À la Fondation Gianadda de Martigny, une exposition à ne pas manquer

20 juin - 1er décembre 2025 fondation pierre gianadda martigny

Pour la première fois en Europe, les chefs-d’oeuvre du Hammer Museum de Los Angeles.

Cet été, la Fondation Pierre Gianadda, s’offrira un petit air californien. Plus de 40 oeuvres de peintres célèbres traverseront l’Atlantique pour faire vibrer les cimaises de la Fondation avec un panel impressionnant de tableaux allant de Rembrandt à Van Gogh. Ainsi, les plus grands artistes de la peinture française représenteront cette collection tels que Fragonard, Chardin, Corot, Boudin, Manet, Degas, Renoir, Monet, Sisley, Bonnard, Vuillard et bien d’autres encore, notamment Américains, tous issus du Hammer Museum de Los Angeles.

De la Russie de Lénine aux USA

Armand Hammer naît à New York en 1898. Ses parents, des immigrés juifs russes, arrivent aux États-Unis en 1875 d’Odessa, ville située à l’époque dans l’Empire russe. La famille s’installe dans le Bronx et son père, médecin, travaille dans la vente de produits pharmaceutiques. Armand fréquente la Morris High School puis l’école de médecine de Columbia. Après la reprise de l’entreprise familiale «Allied Drug» par Armand Hammer et ses frères, cette société rencontre un développement commercial réjouissant. Les affaires sont florissantes. Après avoir obtenu son diplôme du Collège des médecins et chirurgiens de l’université de Columbia au début des années 1920, il se rend dans l’ex-Union soviétique pour gérer les intérêts de sa famille dans une société pharmaceutique. Sa mission consiste également à fournir une assistance médicale lors d’une épidémie de typhus dans l’Oural, pour laquelle il apporte une ambulance et un hôpital de campagne achetés au gouvernement américain.

Dès son arrivée, Hammer constate la gravité de la famine dans la région et le besoin critique d’aide alimentaire. Avec l’approbation du conseil local des travailleurs, il négocie un accord commercial en vertu duquel il importe des céréales des États-Unis et expédie des produits soviétiques en retour. Les bénéfices de ces exportations ont ensuite été utilisés pour reconstituer les stocks de nourriture renvoyés en Union soviétique. Au fil des ans, Armand Hammer se lance dans diverses entreprises, notamment la distillation de whisky, la production d’aliments pour le bétail et l’élevage de bovins, la fabrication de crayons et le forage pétrolier. Il se consacre à sa collection d’oeuvres d’art, affinant sans cesse son patrimoine par le biais d’acquisitions et de ventes.

Alfred Sisley, Scierie à Saint-Mammès, Timber Yard at Saint-Mammès, 1880, huile sur toile, 54.6 x 73, The Armand Hammer Collection, Gift of the Armand Hammer Foundation. Hammer Museum, Los Angeles

Amateur d’art éclairé,galeriste et mécène.

De l’URSS, Hammer ramène aux États-Unis une surprenante collection d’objets constituée de meubles, d’argenterie, de tapisseries, d’icônes et de tableaux. Ce lot étonnant et hétéroclite marque le début de son âme de collectionneur. Au fil de ses acquisitions d’oeuvres d’art, il ouvre plusieurs galeries. Des musées prestigieux exposent certaines de ses toiles. Il devient «l’un des derniers grands collectionneurs capables d’acheter dix peintures dans l’année, dont certaines atteignent des prix fabuleux». Au cours des décennies suivantes, Hammer s’affirme également comme mécène offrant certaines oeuvres à des musées. Il se révèle un des principaux donateurs du Musée d’art du comté de Los Angeles, participe financièrement à la restauration «à l’italienne» du Théâtre du Gymnase à Marseille et, également, à celle du musée Jacquemart-André à Paris.

Création du musée Hammer à Los Angeles

Homme d’affaires énergique, Armand Hammer décide de fonder un musée pour mettre en valeur ses trésors et pour «garder

une certaine unité dans sa collection». En effet, les prêts accordés par Hammer pendant près de vingt ans au musée d’art du comté de Los Angeles, le LACMA, ne le satisfont plus. Par conséquent, il prend la décision de créer son propre musée. Le

21 janvier 1988, il projette une construction attenante à un garage adjacent au siège de l’Occidental Petroleum Corporation, à Westwood. L’architecte Edward Larrabee Barnes conçoit un bâtiment avec une façade quelque peu austère, mais à

l’intérieur, il crée une sorte de palais avec des galeries centrées autour d’une cour. Moins d’un mois après l’inauguration de son musée, Armand Hammer décède le 10 décembre 1990 à Los Angeles.

Camille Pissarro, Boulevard Montmartre, Mardi Gras, 1897, huile sur toile, 65.1 x 83.1, The Armand Hammer Collection, Gift of the Armand Hammer Foundation. Hammer Museum, Los Angeles

Junon parmi les siens

Junon, déesse romaine, épouse de Jupiter, protectrice du mariage, peinte en majesté par Rembrandt, règne peut-être pour la première fois sur des cimaises proches d’un temple gallo-romain, d’une stèle dédiée à Mercure, de statues en marbre d’Hercule et d’Apollon! La voilà représentée dans un format presque carré, une huile sur toile datée des années 1662-1665. Imposante, habillée et couronnée comme une princesse néerlandaise du xviie siècle, une chair lumineuse mise en exergue par ce fond sombre, tenant son sceptre, symbole de l’amour conjugal.

Un semeur en communion

On enchaîne avec Van Gogh, dont on connaît l’admiration pour le rendu de la lumière chez Rembrandt. Foin de mythologie avec le peintre d’Arles et son tableau, ici «Le Semeur», une huile sur toile de 1888. En action, une silhouette brossée avec un trait dynamique et elliptique qui répand, avec un geste ample, une terre dans les tons bleus tracés avec des coups de pinceaux énergiques. Une ligne d’horizon portée très haut, avec des cheminées fumantes qui témoignent de l’industrialisation, en contraste avec l’humilité du Semeur, en communion avec son champ. Un an plus tard, en 1889, Van Gogh est interné à l’asile Saint-Paul de Mausole à Saint-Rémy-de-Provence. Il subit des crises régulières de démences, mais il peint dans une chambre au rez-de-chaussée lui servant d’atelier. La nature qui l’entoure le comble et lui apporte un peu de paix. Elle occupe une place importante et inspire Van Gogh qui exécute certains de ses tableaux les plus évocateurs de son art. «L’Hôpital de Saint-Rémy», 1889, une toile emblématique de cette période, qui représente cet hôpital psychiatrique installé dans un ancien cloître du xie siècle. Le Hollandais le peint dans des couleurs typiques de la Provence. En revanche, la nature est rendue avec des empâtements presque rageurs, surtout pour le champ et les arbres, des touches sismiques qui traduisent peut-être le mal-être de l’artiste. Van Gogh révèle dans ce tableau une vision intense et expressive des arbres, avec un chromatisme éclatant. Avec cette peinture il signe l’un des cent cinquante chefsd’oeuvre produits pendant son séjour dans cet asile.

Vincent Van Gogh, Le Semeur, The Sower, vers 1888, huile sur toile, 33.7 x 40.6, The Armand Hammer Collection, Gift of the Armand Hammer Foundation. Hammer Museum, Los Angeles

La collection se conjugue avec de grands artistes français

Jean-Siméon Chardin, artiste hors du temps, est présent avec «Les Attributs de la peinture», 1730/1732. Il met en valeur ses pinceaux, ses pots et une toile roulée en attente, dans une nature morte révélée avec une harmonie discrète en nous convoquant dans son monde silencieux. On avance dans le temps avec Eugène Boudin, peintre reconnu pour ses marines et surtout précurseur des impressionnistes, un des premiers pleinairistes, signe un tableau «Des Voiliers dans le port», 1869, où les bateaux sont à quai dans une mer menacée par de lourds nuages. Camille Corot, un des fondateurs de l’école de Barbizon, avec sa «Vue lointaine sur la cathédrale de Mantes», peint cette cathédrale devinée au fond d’un paysage, point de vue assez courant chez Corot. Et puis Gustave Moreau, surnommé «le Prince des symbolistes français», avec une représentation palpitante de «Salomé dansant devant Hérode», 1874–1876, nous entraîne dans un monde féerique, orientalisant, ornementé d’orfèvrerie dans un décor mauresque!

Vibrations impressionnistes

Et nous voilà avec quelques impressionnistes célèbres: Claude Monet, avec «Vue sur Bordighera», 1884, livre ici un paysage luxuriant, une végétation dense qui domine cette ville haute baignée d’une lumière méditerranéenne. La mer et le ciel ferment le paysage, le tout exprimé avec la touche fragmentée et dynamique de ce peintre de Normandie. Changement de décor avec «Boulevard Montmartre, Mardi gras» 1897, oeuvre de Camille Pissarro qui brosse avec une belle expressivité l’animation de la «procession» du Mardi gras. Les danseuses, thème privilégié d’Edgar Degas, qu’il aime montrer sans artifice souvent loin des feux de la scène. Avec «La Loge du théâtre» au premier plan, en contrepoint une spectatrice dans sa loge dans l’ombre, puis un cadrage surprenant dévoile des ballerines en «grappe», tout en mouvement et en grâce!

Claude Monet, Vue de Bordighera, View of Bordighera, 1884, huile sur toile, 66 x 81.8, 94.8 x 111 x 10.2, The Armand Hammer Collection, Gift of the Armand Hammer Foundation. Hammer Museum, Los Angeles

Fantin-Latour, Gauguin et les autres…

Passons à un artiste, éloigné des innovations artistiques, Henri Fantin-Latour qui signe une nature morte, «Pivoines dans un vase bleu et blanc», 1872, dont le dépouillement met mieux en valeur le rendu admirable de la texture des fleurs. Paul Gauguin séjourne en 1889 au Pouldu en Bretagne où se trouve un cercle d’artistes. Avec «Bonjour Monsieur Gauguin», il fait allusion bien sûr à l’oeuvre de Courbet, mais la rencontre se révèle ici moins chaleureuse, l’artiste dans son grand manteau, solitaire, ne s’intéressant pas à la bretonne. Une clôture les sépare. Des touches dynamiques en faisceau contrastent avec les aplats. Ce tableau annonce le talentueux

coloriste de Tahiti. Citons encore et pour terminer, Henri de Toulouse-Lautrec et ses thèmes rappelant l’ambiance des maisons closes, les Nabis Edouard Vuillard et Pierre Bonnard, Honoré Daumier l’observateur pointu de la vie sociale et politique de la France du xixe siècle… et la divine Sarah Bernhardt admirablement représentée par Alfred Stevens en 1885. De Rembrandt à Van Gogh se parcourt

comme une balade éclectique au cours de laquelle le public admirera des toiles renommées de maîtres européens et américains embellissant les cimaises de la Fondation Pierre Gianadda, lesquelles honorent le collectionneur et mécène Armand Hammer.

SOURCES

X Un collectionneur et ses trésors,

G.-S. Whittet, 19.07.1972,

X Le Défi d’un milliardaire, Jean-

Marie Guillaume, 7.04.1977

X Tableaux d’un collectionneur,

Jacques Michel, 7.04.1977

INFORMATIONS

20 juin – 1er décembre 2025 

Ouvert tous les jours de 9h à 18h.

Fondation Pierre Gianadda
Rue du Forum, 59
CH 1920 Martigny
Valais (Suisse)

www.gianadda.ch

Tél. 0041277223978